Biographie Boozienne
De l’enfance à la sortie du disque « le Jour où les Vaches »…
Début septembre 1943.
La Seconde Guerre Mondiale fait rage.
Une jeune femme, résidant près du château de Versailles, est prête à mettre son bébé au monde. Son père, un Maquisard recherché par la Gestapo, est revenu du Centre au péril de sa vie pour être auprès de sa femme. Se rendant pour l’heureux événement dans un hôpital tenu par des soeurs du Clergé, ils sont avertis par la Mère Supérieure : un bruit effrayant court. Les Allemands enlèveraient les nouveaux-nés pour pratiquer des expériences. Ils doivent fuir. Elle leur dit d’emmener une des Soeurs avec eux et de rentrer dans leur foyer pour l’accouchement. C’est ainsi que la Soeur et le nouveau papa mirent au monde Emmanuel Booz à six heures du matin, au son du tocsin. Au même moment, les Alliés font des incursions juste au-dessus du grand camp militaire de Satory, alors tenu par les Allemands. Le jeune père est obligé de regagner ses positions afin de protéger sa nouvelle famille. Mais la maman, restée seule, n’a pas assez de lait pour nourrir son fils, et le lait de vache est disponible seulement au marché noir. L’enfant dépérit. Sa santé décline rapidement. Afin de lui sauver la vie, elle le confie à un couple de Suisses affecté à l’entretien du château de Versailles. Là, elle en est sûre, il ne manquera de rien. Le destin vous joue parfois des tours étranges. Emmanuel Booz sera le seul enfant ayant résidé au Château de Versailles durant le restant de la Grande Guerre. Lui qui ne possède rien habite dans la plus belle maison du monde. Depuis ce jour, il hérita du surnom de « Roi sans terre »… Pendant ce temps, Hitler perd lentement la guerre. Dans un dernier accès de folie, Il annonce qu’il faut raser Paris. La prestigieuse résidence Boozienne devient un des objectif de l’aviation allemande, car, raser Versailles, c’est effacer tout un pan de l’histoire de la France. Ultime humiliation infligée à l’ennemi. Le jeune garçon est alors évacué par son grand-père, originaire de Vierzon, qui lui trouve une nouvelle famille d’adoption. On ne laisse pas un enfant mourir ! Cette nouvelle famille, ce sera Jeanne et André Sochard, deux Héros de la Résistance qui cachaient des Juifs et des Résistants recherchés dans leur grenier, et leur prodiguaient soin et nourriture, au péril de leur vie. A la campagne, il y a du lait, des légumes, et l’on fait son pain et son vin soi-même. L’enfant est sauf… Enfin presque… C’est le moment que choisit la Gestapo pour faire une descente surprise chez son grand-père afin de vérifier si Emmanuel a bien été baptisé. Heureusement, tout est en ordre. Il évitera ainsi l’horreur des camps de concentration. Quelques bombardements sur la gare de Vierzon plus tard, la guerre est terminée. Alors qu’à Paris, les tickets de rationnement conditionnent ce que l’on a dans son assiette, ses parents le savent entre de bonnes mains, qu’il est aimé et qu’il mange à sa faim. Ils travailleront désormais dans l’unique but de permettre aux gens qui s’en occupent de leur donner les moyens de l’élever dans les meilleures conditions possibles. Son enfance fut rythmée par les exploits des Résistants, l’engagement, privilégiant la grandeur de l’homme, le don de soi et la bonté. Son père adoptif lui fabrique de ses propres mains ses jouets de Noël. Il lui fera découvrir la nature, le cosmos, l’infiniment grand et l’infiniment petit. De cette éducation empreinte d’humanisme, il découvrira les valeurs essentielles qui le façonneront et l’imprégneront toute sa vie durant, l’intégrité, le respect de la nature et de l’autre. Du haut des collines qui bordent la vallée du Cher, ce père lui dit ceci : « Tourne-toi, regarde, regarde partout où tes yeux portent. C’est la Terre. C’est TA Terre. Prends-en soin ! ». Le jeune homme n’oubliera jamais le sens et la portée de ces paroles. Sa grand-mère lui enseignera les contes du Berry et de la Sologne. Son grand-père, musicien émérite, lui transmet sa passion pour la musique classique : Bach, Mozart, Beethoven, Malher, Monteverdi, Wagner, Haendel, Debussy, Purcell… captés sur les ondes des radios de l’est. Et l’une de ses tantes lui donne LE livre. Début 1948. Fin du plan Marshall. Ses parents biologiques le rapatrient à Boulogne pour son entrée à l’école maternelle. Mais, rapidement, sa famille adoptive lui manque. De la fenêtre de l’établissement, il les appelle. C’est alors que son père et sa mère lui offriront la plus grande preuve d’amour qu’il est possible de donner à son enfant. Ils le renvoient vivre auprès de ses parents adoptifs chéris tandis qu’eux partiront pour l’Équateur afin de leur offrir la vie qu’ils méritent. De son village, il se rendra chaque jour à l’école de Vierzon sur son petit vélo. A cette époque, tout lui semble beau. Ses copains, ses copines, la nature… En 1954, à l’âge de dix ans, il soutiendra, devant la presse convoquée par le directeur de l’école, qu’il a vu des soucoupes volantes. Il en fera même un exposé au tableau de la classe et aura de fait les honneurs de la presse écrite de l’époque. De ce fait, il prendra très tôt conscience de ce qu’est le pouvoir sur les masses En 1955, il découvre par hasard à la radio le « Hound Dog » de Elvis Presley. C’est la révélation. Mais l’éducation stricte à laquelle il est soumise par ses parents naturels lui interdit l’achat du disque. Il faut d’abord bien travailler à l’école, bien se tenir, être irréprochable en toutes circonstances. De plus, en France, à l’époque, personne ne sait vraiment ce qu’est le Rock’n’Roll, un nouveau monde est en train de naître sur les ruines fumantes de la Deuxième Guerre Mondiale. De plus, aucun magasin de l’époque ne vend ce genre de musique. A onze ans, il retournera à Paris pour faire son entrée au lycée. A treize ans, ses parents l’emmènent à Yaoundé, au Cameroun. Moment prépondérant dans sa jeune existence. Il y fera des rencontres qui le marqueront à vif et pour toujours. Il résidera même un moment dans la forêt vierge, au Sud Cameroun. Au contact de cet environnement authentique, il lui semble toucher à l’essentiel de l’existence. Un soir, sur le Nyong, à la tombée du jour, il se laisse dériver dans une pirogue, seul. Il ne sait pas nager. Il attend qu’un obstacle renverse le frêle esquif. Il ne cherche ni plus ni moins qu’à disparaître, car, pour lui, à ce moment précis, le corps lui semble un obstacle à la Connaissance, et que la Mort sera l’ultime révélation, celle qu’il attend, qu’il recherche désespérément, qu’ainsi, il sera omniprésent, sans plus aucune contrainte physique et matérielle, du fin fond des galaxies qui surplombent ce fleuve au plus profond de cette eau mystérieuse sur laquelle il est en train de glisser, ne faisant qu’un avec tous les cris de naissance et de mort et les grands silences qui habitent la forêt. C’est alors que lui revint en mémoire le souvenir de ses chers parents adoptifs. Ce serait une peine dont ils ne se remettraient jamais. Il devait, il leur devait, d’aller au bout de cette vie qui avait été si chèrement protégée et pour laquelle tant de gens s’étaient sacrifiés, qu’il devait rendre ce bien qui lui avait été si douloureusement offert et que la Mort ferait de toutes façons, au grand final, son Grand Ouvrage. Retour en France. Après maintes rencontres, maintes péripéties, Booz adolescent fondera, avec quelques amis dont le futur parolier Boris Bergman, « la Bande du Drugstore », melting pot social et cosmopolite composé de rockers, paroliers, fils à papa, futurs paroliers cinéastes, DJs, journalistes, passionnés par cette culture émergente venant des États Unis et de Grande Bretagne. Ils organiseront des pèlerinages réguliers sur les deux territoires, à New York et à Londres, afin d’en ramener divers opus et quarante cinq tours rock et jazz. A la même époque, il fréquente également le « Golf Drouot », club mythique du début des années soixante, et trouve même le moyen d’échapper à l’engagement militaire le promettant à la Guerre d’Algérie. Il s’ouvre à des groupes aussi divers et variés que les Yardbirds, les Rolling Stones, les Kinks, mais n’en apprécie pas moins le blues de John Lee Hooker ou encore Lightin’ Hopkins. Imprégné de cette mouvance anglo-saxonne, il se montre alors peu intéressé par la chanson française mais n’en apprécie pas moins les grands artistes de l’époque comme Jacques Brel ou Georges Brassens. De son enfance, il gardera une affection particulière pour la musique classique, symphonique et contemporaine. Petit à petit, le brassage faisant, le style Boozien prend forme. Dans le même temps, il découvre le mouvement Beatnik et s’initie à la contre-culture. Sans le sou, il décide néanmoins de parcourir le monde, faisant halte en Grande Bretagne où il assiste aux concerts de l’époque. La musique le nourrit, l’inspire. Début 1962, il deviendra un des premiers Beatniks français. Les rencontres et discussions de l’époque lui feront croiser la route de nombreux musiciens, peintres et autres sculpteurs délirants. Il suivra même un cursus littéraire et philosophique l’amenant vers des poètes et penseurs comme Ferlinghetti, Burroughs ou Corso. A Londres, il assistera aux premiers concerts de Pink Floyd et de Soft Machine et assiste à leurs concerts à la Locomotive, boîte rock branchée à Paris. Fin 1964, il vivra dans les hôtels désaffectés au bord de la Tamise, à Londres, à Bayswater et Nothing Hill Gate, tout en côtoyant Brian Jones. En 1967, guitare à la main, il commence à se produire un peu partout sur des scènes improvisées, chantant dans le style « yaourt » des textes mélangeant français, anglais et allemand. Il est alors le premier artiste à faire des happenings, que ce soit à Saint germain des Prés, au drugstore ou au Bus Palladium. C’est alors qu’il est remarqué par un certain Eddie Barclay. Ce dernier, ancien musicien de jazz ayant fondé son propre label, lui propose d’enregistrer un album. Il en sortira le deux titres « Le Mont des Oliviers », projet délirant et décalé basé sur l’Ancien Testament, où il fera même des apparitions télévisuelles en djellaba, entouré de moutons. Le style boozien est en marche. Rejetant toute forme de professionnalisme dans l’expression de son art, refusant même le contrat que lui propose Barclay, il préférera éructer, bible en main, des passages entiers de la Bible à l’envers sur les façades des cafés, devant les clients médusés. Pour l’anecdote, et comme un ultime pied de nez à la confidentialité dont il nimbe son oeuvre, « le Mont des Oliviers » a été joué aux grandes orgues de la Cathédrale de Bourges, aux côtés des oeuvres de Bach. Ce dernier finira par le convaincre de venir en studio où il se livrera à une improvisation totale trois quart d’heures durant. Fasciné par le personnage, Barclay le laissera faire comme il l’entend, ne s’immisçant ni dans ses choix artistiques, ni dans sa carrière, malgré le fait que le chanteur ne lui rapporte pas un centime. En 1969, il croise la route d’un certain Jim Morrison, vivant alors à Paris, au « Rock’n’Roll Circus », lors de soirées mémorables. Lors de l’avènement du rock français, il croisera la route de Laurent Thibault (Martin Circus, Devotion), Laurent Petitgerard et Klaus Blasquiz (Dynasty Crisis, Magma). Il en profite pour s’initier à la guitare et au chant en autodidacte. Il chante la première chanson écologique chez Barclay, « Ma Terre ». Grâce à Boris Bergman, Booz fera la rencontre d'Arlo Guthrie, de retour de Woodstock, à « l’Hôtel Hotel » de St Germain des Prés, dans la chambre de Mistinguett. A la suite de cette rencontre déterminante entre les deux artistes, se découvrant des affinités et une affection communes, Booz sera mandaté par l’artiste en personne pour enregistrer à Londres, en compagnie d'Arlo et de Pentangle, la seule version internationale de « Alice’s Restaurant », dont Arthur Penn fera un film, l'essai Boozien, enregistré en une prise unique et live en studio, verra ses dix-sept minutes originelles découpées en plages de trois minutes chacune. Léo Ferré, grand adorateur du personnage, considéré un peu comme un fils spirituel, lui fait faire la première partie de son concert à la Mutualité, pour la fête de l'UNEF, en 1968-69. Il chantera une heure en "yaourt" devant l’audience et fera un véritable triomphe. Entre 1970 et 1973, il assurera la première partie de Claude Nougaro et Martin Circus, Zoo, Total Issue, Dynasty Crisis et des Byrds au Midem de Cannes grâce à Sam Bernett. Pour le plaisir, Booz officiera en tant que choriste sur le 45 tours du groupe "Troc", Booz assurera la première partie du groupe Family. Il devient ami avec le chanteur Roger Chapman et jammera même avec la formation durant la tournée. Booz verra deux de ses titres repris par Nicoletta, dont un qui deviendra le titre de son album : « Visage ». Sur l’album « Le Jour où les Vaches », Booz souhaitait aborder les questions de l’écologie, de la pollution, des désordres causés par l’Homme à la Nature et la destruction de l’équilibre naturel dû à l’activité humaine effrénée. Visionnaire une fois encore, il sera le premier à traiter du sujet. Booz en personne figurera sur la pochette tel Atlas détruisant le monde au lieu de le soutenir.
Et puis…
Du « Jour où les vaches » à « Clochard »...
Sur l’album « Le Jour où les Vaches », Booz souhaitait aborder les questions de l’écologie, de la pollution, des désordres causés par l’Homme à la Nature et la destruction de l’équilibre naturel dû à l’activité humaine effrénée. Visionnaire une fois encore, il sera le premier à traiter du sujet. Booz en personne figurera sur la pochette tel Atlas détruisant le monde au lieu de le soutenir. L’album « Le Jour où les Vaches » sortira au printemps 1974 sur le label WEA. Un simple en sera tiré, comprenant les deux titres « Donne » et « l’Homme aux Mille Clés d’Or ». Sur ces deux morceaux, William Sheller assurera le piano, les arrangements des cordes et des choeurs. Il fera de même sur « Je ne Peux pas te Dire », une fois encore pour les bois et les cordes, idem pour celles du titre « Angoulême ». L’arrangeur Yvan Julien fera également partie de l’aventure. Les idées des deux hommes convergeant dans la même direction, ils s’entendirent à merveille avec Booz qui, de son côté, leur indiquait ses attentes sur le sujet pour le texte et la musique. Booz donnait son accord sur les arrangements et la musique qui devaient correspondre avec ses intentions, ses idées et ses textes, tenant plus que tout à sa liberté et à son indépendance artistique. William Sheller, de son vrai nom William Hand, a composé son pseudonyme en mélangeant des patronymes des écrivains Shiller et Shelley, débuta sa carrière musicale en 1960. Il rencontra le succès en 1968 avec le titre « My Year is a Day », qu’il composa pour le groupe les Irrésistibles, formation composée d’étudiants américains venus s’installer en France. Il investira le cachet rapporté par ce tube devenu mondial dans une messe de mariage façon psychédélique en 1969, pour un couple d’amis. En 1972, sort l’album « Lux Aeterna » sur le label CBS, oeuvre instrumentale et symphonique qui ne connaîtra qu’un succès confidentiel, ne s’écoulant qu’à 2000 copies. Suite à l’échec de ses trois premiers quarante cinq tours en tant que chanteur, il se reconvertit en arrangeur, orchestrateur et compositeur pour de nombreux artistes, comme Barbara, notamment sur son album « La Louve ». Le parolier officiant sur ce disque, François Wertheimer, fut le chanteur/auteur/compositeur de la comédie musicale « Popéra Cosmic », écrite en 1966 avec le concours de Guy Skornik, et sorti en 1969. Il fut, par la suite, l’auteur d’albums solos remarqués. En 1975, William Sheller sort son premier album de chansons avec le concours des musiciens du groupe Alice, dont Alain Suzan. A la suite de ce disque, Emmanuel Booz entame une tournée dans toute la France, faisant quelques crochets dans les MJC, qui constituent, à cette époque, un véritable circuit parallèle aux grandes salles de concert, et un réseau actif pour se produire dans toute la France. En 1975, sort un simple chez WEA comprenant les titres « Chanson Liberté » et « Et l’on m’appelle Emmanuel Booz », pour lesquels Booz assure texte et musique. Pour l’accompagner, il fera appel à des musiciens comme Doudou Weiss pour la batterie, une nouvelle fois à Alain Suzan pour assurer les parties de basse, ou encore Paul Semama et Yves Chouart aux guitares. Le disque aura même les honneurs de la radio, notamment des ondes de RTL, diffusé dans les émissions de Jean-Bernard Hebey, éternel soutien des groupes et chanteurs s’exprimant dans la langue de Molière et lors des incartades nocturnes de Georges Lang. En 1976, l’album « Clochard » verra le jour. A ce moment précis, Booz bénéficie d’une totale liberté artistique sur ce disque, n’étant alors lié à aucune maison de disques, mais devra, en contrepartie, réunir de lui-même les fonds nécessaires à l’enregistrement et rechercher un distributeur dans l’espoir de voir l’album figurer un jour dans les bacs. Sa directrice artistique de l’époque se mettra en quête d’un studio pour assurer les séances et se lance à l’assaut des majors pour assurer la distribution. Elle finira par trouver un accord avec le studio Damiens de Boulogne Billancourt pour les sessions d’enregistrement, avec l’ingénieur du son Andy Scott aux manettes, et le label WEA se montre intéressé pour le sortir. L’album a pour thème la condition humaine, l’errance, l’individualisation et l’égoïsme qui, déjà, conditionne et caractérise de plus en plus notre société. Celui que l’on surnommera « Le Clochard Céleste » dépeint, au travers des différents titres composant le disque, son parcours, ses rencontres, mais aussi ses révoltes et en profite pour asséner quelques coups de griffes bien placés à cette société dans laquelle il se reconnaît de moins en moins. Pour appuyer textes et musiques, Booz s’adjoindra les services de Jean Dugrenot, bassiste du groupe Zao, rencontré lors de leur passage au club « La Bulle », lieu mythique et branché de l’époque, et dont il assurait la programmation et la gestion en compagnie de Ticky Holgado (ex secrétaire de Claude François, fondateur du groupe progressif Doc Dail avant de devenir manager de Martin Circus) ainsi que Bob Brault (du groupe Martin Circus). Avant Zao, Joël Dugrenot avait officié avec des artistes typés rock and roll, accompagnant également le chanteur marocain de rhythm and blues Vigon, avant de passer à la postérité avec Joël Dayde, l’ex chanteur de Zoo, dont il sera bassiste sur le premier album solo, intitulé « J’aime », et qu’il accompagnera même sur scène. Joël Dugrenot joue aussi sur le second album du guitariste/chanteur Alain Markusfeld, « le son tombé du ciel », sorti en 1971, avant, en 1974, de rejoindre le groupe de Cyrille Verdeaux, Clearlight, pour son second album « Forever Blowing Bubbles ». Le groupe, ayant été signé par le label anglais Virgin que Richard Branson venait de fonder, enregistre en Angleterre, au Manor Studio, et fera même une tournée sur le territoire britannique. A cette période, Joël enregistra un album solo, « Mosaïques », avec le concours, entre autres, de David Cross de KC, Fred Frith de Henry Cow, mais le disque ne sera distribué que dans les années 1980. Joël Dugrenot assurera également les arrangements, la direction artistique et d’orchestre, et fera appel à plusieurs amis pour accompagner Booz. Certains musiciens, comme François Jeanneau, (saxophone, flûte), jazzman renommé, ancien membre de Triangle, Serge Haouzi (batterie), membres de Clearlight en 1974, seront également présents sur l’album. Il fera également appel au guitariste Yves Chouart (ex Total Issue et futur Clearlight sur le 3ème album du groupe, intitulé « Les Contes du Singe Fou »), qui a également officié en 1968 pour la formation Blue Steel Feet, trio s’inscrivant dans la veine de Cream, formé avec Didier Batard, futur Tryptique, Doc Dail, Coeur Magique, Heldon, Bahamas. Clément Bailly, futur Nemo et Magma, Gilles Tinayre (piano, synthétiseur, ondioline), ex Family Zoo, Alan Stivell Group, et Alain Markusfeld, Michel Ripoche (violon), ex Zoo, feront aussi partie de l’aventure. La pochette fera preuve de sobriété par rapport à celle du précédent opus, montrant juste un Booz allongé sur le sol d’une piscine vide, métaphore du mur d’une maison imaginaire, illustrant le concept cher au chanteur de clochard cosmique intemporel. Sur cet opus, le style se verra plus dépouillé sur certains des huit titres le composant, Quelques uns à la façon de ses prestations live, d’autres plus travaillés et orchestrés. Trois seront arrangés de façon acoustique, deux s’inscriront dans une veine plus progressive, tandis qu’un autre sera plus inclassable. Booz signera tous les titres, à l’exception de deux, un premier co-signé par Joël Dugrenot, et le dernier, « J’ai 100 000 ans », composé lui par le même Joël Dugrenot. 5000 copies seront écoulées, à l’image de son précédent essai.
De « Clochard » à nos jours…
Après son disque « Clochard », Emmanuel Booz va enregistrer de nouveau au studio Damiens de Boulogne. L’enregistrement prendra deux ans, assemblant patiemment, pièce par pièce, ce qui deviendra le mythique « Dans Quel Etat j’Erre » qui sortira en 1977 chez Polydor. Pour assurer la direction artistique, les arrangements et les orchestrations, Booz confiera le travail à Jean-Claude d’Agostini et à Gilles Tynaire. Jean-Claude d’Agostini fut, en 1971, le premier guitariste de Coluche. Il officiera également aux côtés de Christian Devaux, l’ex batteur de Zoo, au sein de son groupe, West, ainsi que sur l’album de Clearlight, « Forever Blowing Bubbles », et figurera au crédit de « Delired Chameleon Family », la bande musicale du film de Pierre Clementi, composée par Cyrille Verdeaux. Le claviériste Gilles TYNAIRE, quant à lui, a débuté sa carrière avec le groupe Family Zoo, puis a rejoint les formations d’Alan Stivell, d’Alain Markusfeld, ou encore de Mama Bea. Il figurait déjà au crédit des musiciens présents sur « Clochard ». Booz et ce dernier composeront les titres et se chargeront de réaliser ce nouvel album. En véritable chef d’orchestre, Booz expose les thèmes de ce nouvel opus aux deux musiciens, leur indique quelles orientations il souhaite suivre, la forme voulue et les arrangements choisis. Les deux musiciens les retravailleront, les arrangent à leur manière et les présentent selon leur propre vision au maître de cérémonie. Booz en accepte certains tels quels ou leur demande d’en retravailler d’autres jusqu’à obtenir le résultat voulu. Le style se veut plus rock progressif, incluant quelques touches aussi bien jazz-rock que space-rock. Il se liera également d’amitié durant l’enregistrement de l’album avec le directeur artistique de Philips de l’époque, Gérard Doustin, qui travaillait avec des artistes aussi divers que Gilles Tynaire, Alain Suzan, Philippe Lhommet, (clavier de Dynasty Crisis) Partick Beauvarlet, Taïphong, Jean-Jacques Cramier, Manu Katché, Dominique Kadjan ou encore Celmar Angel. Gilles Tynaire et Jean-Claude d’Agostini convieront de nombreux amis musiciens sur l’album dont Yves Chouart , ex Total Issue et Clearlight (présent sur l’album « Les Contes du Singe Fou »), le virtuose Didier Lockwood, ex Magma et Zao (il assurera les parties de violon sur le morceau "l’Ode aux Rats"), Charlie Charrieras (bassiste sur les morceaux "l’Ode aux Rats" et "La Symphonie Catastrophique), ex Ergo Sum II, Glucose, Alpha Ralpha, le batteur Maurice Mathias (il officiera sur "l’Ode aux Rats" et "La Symphonie Catastrophique"), Jean-Louis Mahjun (de son vrai nom Lefebvre), ex Maajun, Mahjun (violon alto sur « l’Ode aux Rats"), Gérard Pisani (clarinette, saxophone soprano, bugle, sur « l’Ode aux Rats"), ex Martin Circus, Tartempion, Bulldozer, Philippe Briche (piano sur "l’Ode aux Rats"), qui officia aux côtés d’Herbert Leonard, qui enregistra un disque pour lui compagnie du guitariste anglais Big Jim Sullivan, et a évolué au sein des formations de Michel Ripoche, le groupe de jazz-rock funky Synthesis, l’Utopic Sporadic Orchestra de Top, et qui fût également aperçu aux côtés de Nino Ferrer, Roger Deroeux (qui assurera les parties de piano électrique sur "La Symphonie Catastrophique"), et qui jouera plus tard avec Forgas, Pierre Blanchard (violon sur "La Symphonie Catastrophique"), ex membre du groupe Zao, Jean Schultheis (batterie sur le titre "Armoire et Persil") ex Trust, premier du nom, à l’album soft progressif et avec Alain Markusfeld à la guitare. Il fut aussi musicien pour Jannick Top et membre du groupe de jazz de Jeff Gilson. Jean Schultheis accompagna également Alain Markusfeld et Michel Ripoche. Gérard Le Vavasseur (bassiste sur "Armoire et Persil"), ex Royal Show (un groupe de r’n’b, qui comprenait Richard Raux et Coco Roussel en 1968) accompagna Alan Stivell à ses débuts mais aussi Nino Ferrer et Graeme Allwright. Jouissant d’une liberté totale, absout de toutes formes de contraintes particulières, Booz, fidèle à lui-même, peut laisser libre cours à son inspiration. L’album s’intitulera « Dans Quel Etat j’Erre », un des jeux de mots que l’artiste affectionne. Une fois de plus, il décrit dans ses textes le malaise, la lente descente aux enfers de l’homme et la dégradation continue de son comportement envers son prochain. Individualisme, égoïsme, mépris de l’autre sont autant de tirades enfilées comme des cartouches prêtes à faire mouche dans l’oreille et le coeur de celui qui se donnera la peine d’écouter avec attention ses éructations survoltées. Ses paroles sont empreintes de ses rencontres, ses échanges et ses expériences avec les différentes personnes et personnalités qui ont jalonné son parcours son existence durant, partout dans le monde, et notamment de New York à Los Angeles. L’album sortira en 1977 et sera célébré par la presse et la critique. Plus électrique et hargneux que le précédent, regorgeant d’énergie, parsemé de borborygmes, d’élans et de déclamations diverses et entremêlées, pour beaucoup précurseurs du rap à venir. Fidèle à ses habitudes, il y a mis toute son énergie, son magnétisme, son charisme et sa sensibilité. Il n’interprète pas, il vit ses mots, sans emphase théâtrale, juste en restant naturel et y injectant son naturel dans ses prises de position, ses attaques contre la société, ses dénonciations et critiques, avec, en plus, la pugnacité, le réalisme et la vérité faisant défaut à ces chanteurs dits engagés ou contestataires. En 1979, il fondera les Forces Françaises Intérieures, FFI, titre ô combien évocateur en rapport avec son histoire , composé d’André Roé et Christian Banet, respectivement ancien guitariste et ancien bassiste du groupe Nightrider, ainsi que Jeannot Hanela, ancien batteur du groupe Trust (de Bernie Bonvoisin), Papoose, Jack Star System (groupe de l’ex guitariste de California et du bassiste « Petit Pois » du groupe Varations). La formation établira son quartier général de répétitions dans les souterrains d’Oberkampf, sous la houlette de Gérard Doustin, haut-lieu de rassemblement des groupes de l’époque. De ces jams naîtront un simple auto-produit, comprenant les titres « Fils de Prolo » et « l’Ere du Nucléaire ». Les morceaux devaient, au départ, rester à l’état de simple démos, car jugés insuffisamment mixés, mais le disque sortira bel et bien en 1981. Il sortira sous le nom de « FFI ». Comme toujours, les textes visionnaires de Booz préfigurent l’influence future de l’informatique et de ce qui deviendra le World Wide Web, dépendance ultime de notre société actuelle. Le groupe aura les honneurs de la première Fête de la Musique, créée et inaugurée par Jack Lang, l’emblématique ministre de la Culture de l’époque, sur la Place de la République de Paris. Ce sera leur première et dernière apparition publique. Booz et son groupe seront même invités dans la célèbre émission de Michel Polac, « Droit de Réponse », où l’artiste se livre à une tirade aussi passionnée que cinglante sur l’industrie du disque et ceux qui la façonnent. Le groupe se séparera peu de temps après. Cette année-là amorce un nouveau changement de cap musical. Il est temps de changer d’approche aussi bien musicalement qu’artistiquement parlant. Il retrouvera un autre marginal de sa trempe, Jean-Pierre Castelain, qui évolue à l’époque au sein du label Warner. Ce dernier était déjà, à l’époque où Booz enregistrait « Le Jour où les Vaches », guitariste/chanteur dans la même maison de disque. C’est à ce moment-là qu’ils se rencontrèrent et sympathisèrent. Ce dernier fondera son propre label, « Spartacus », en l’honneur du gladiateur du même nom qui se révolta et entraîna les esclaves contre l’Empire Romain. Booz sortira un simple sous le nom de Manu, deux titres nommés « A Quoi tu Songes » et « Faut Changer le Numéro » Durant le cours des années 80, Booz abandonna la musique, par purisme, pour se consacrer à une carrière de simple ouvrier. Il espérait trouver dans cette nouvelle condition la sincérité et l’authenticité qui, selon lui, faisaient défaut aux artistes et aux gens du milieu du showbiz, acceptant la compromission et la corruption de leur propres idéaux au nom de l’appât du gain. Il continuera cependant à composer et écrire ses textes éclairés. On l’aperçut dans les milieux du cinéma, en tant que simple manoeuvre, sur des productions aussi diverses que « Henri and June », « Accidental Tourist », « French Kiss », ou encore le « Ronin » de John Frankenheimer. Etant une figure connue des acteurs de ces différentes productions, ces derniers furent étonnés de le voir officier à des tâches aussi subalternes. C’est alors qu’il attira l’attention de certains cinéastes qui lui proposèrent quelques rôles dans leurs films. On put l’apercevoir dans des oeuvres aussi diverses et variées que « Le Comte de Monte Cristo », dans le rôle du Roi de France, « la Neuvième Porte », de Roman Polanski, dans le rôle du boulanger qui renseigne Johnny Depp, « Le Pacte des Loups » de Christophe Gantz, ou encore aux côtés de Matt Damon dans « La Mémoire dans la Peau », du réalisateur Doug Liman, l’acteur ayant lui-même demandé, à la suite de leur rencontre, que Booz interprète le chauffeur de taxi parisien qu’il empruntera pour les besoins d’une scène. Le cinéma constitua alors pour Booz l’exutoire artistique qu’il recherchait, et un moyen de retrouver le plaisir dans ce qu’il faisait. 1984. Sous l’impulsion une fois encore de Gérard Doustin, il rencontre le guitariste Jacky Belghit, le bassiste Gary Hamer, le batteur Alain Gouillard, et un ingénieur du son du nom de Mitch Olivier, qui le pousseront à nouveau vers les studios d’enregistrement. Il en ressortira l’oeuvre monumentale « Les Morts », enregistré en deux parties par Mitch Olivier au Studio de la Grande Armée, la deuxième partie au studio Ferber, par René Ameline, ainsi que d’autres titres comme « Oblsolete my Windows » restés malheureusement inédits, mais ces derniers auront l’honneur d’une sortie tardive quelques années plus tard en bonus track grâce au label Musea Records. Certains ne furent jamais achevés, d’autres non mixés ou Booz ne voulait tout simplement pas les voir sortir dans le commerce. Durant les années 90, il se produira sur la péniche de Diabolo, un des plus grands harmonicistes français de notre époque, en face des usines Renault de Boulogne Billancourt. Dans la même période, il écrira, en compagnie de Kader Ayd et Karim Abbou, le scénario du film "Old School", premier film français tourné en numérique, où il incarnera "Le Parrain". Le film deviendra l’emblème de la génération hip-hop actuelle. Dans son autobiographie, parue chez Denoël et rédigée par Patrick Amine, Alain Bashung citera Booz comme étant « le mec qui l’a le plus impressionné à ses débuts ». En 2006, Booz enregistre pour la radio allemande, dans une émission consacrée à Frédéric Beigbeider, la voix d’un dandy clochard, retour aux sources au parfum évocateur. Il pense même à ressortir du placard ses titres enregistrés dans les années 80, décrits par lui même comme « excellents et atomiques ». Il a même en projet un CD de « poésie cosmique », définition Boozienne du contenu de cet album hypothétique. Actuellement, il a en charge un jeune groupe du Berry du nom de Nemo, assurant le rôle de producteur de leur futur album. Emmanuel Booz est considéré aujourd’hui comme le plus grand poètes alternatif du rock français, personnalité hors norme et pourtant si proche de ceux qu’il croise ou côtoie qu’ils en viennent à oublier à quel point ce genre de personne est rare et précieuse. Artiste autant que poète, mais homme et humain avant tout, il promène avec nonchalance sa silhouette intemporelle sur tout ce qu’il touche. Fidèle à ses convictions et à son héritage si chèrement acquis, il n’en a jamais oublié ses semblables, d’où il vient et qui il est, faisant même passer les autres avant lui-même en toutes circonstances. Il a su imposer son style par le refus de toute compromission, rejetant tout ce qui ne correspondait pas à ses idéaux les plus profonds, faisant de la sincérité, de l’honnêteté et du don de soi son sacerdoce autant que sa manière de vivre. L’originalité, la richesse, l’extravagance seront la ligne directrice de sa démarche artistique depuis ses débuts, conservés au prix de nombreux revers et de l’étiquette « underground » qu’il a toujours revendiquée et défendue quel que soient les sacrifices exigés. Là où d’autres ont préféré s’abandonner au cynisme et au compromis, il a toujours gardé en point de mire les valeurs qui ont fait de lui ce personnage à part entière que l’on a de cesse de redécouvrir et d’apprécier plus encore à chaque rencontre. Il est toujours considéré en Chine et au Japon, dans les pays asiatiques, en Europe et aux USA comme le plus grand poète alternatif français. En 2011, Philippe Manoeuvre, alors invité au Grand Journal de Michel Denisot sir la chaîne Canal +, cite Emmanuel Booz comme étant le précurseur du rap français.
Il est toujours vivant...
A suivre…
Ajouter un commentaire